Enola-Gork-story
Au dessus des nuages, la carlingue fatiguée du GRONAVION vrombissait et hoquetait comme un squig-bourdon qui aurait trop mangé de champignons-péteurs.
Il faisait nuit encore, les deux soleils de DURILLON restaient cachés de l’autre coté du monde. Il faisait froid aussi, très froid.
Dans les entrailles surchauffées de la superforteresse Ork, Les Grots dormaient, bercés par les vibrations lancinantes des moteurs et le roulis de l’air. Hug, le boy-co-pilote-radio faisait certainement de même dans son cockpit rempli de cartes, protégé par une épaisse couverture de cuir.
A l’avant, O-war, le pilote engoncé dans son vieux siège ratatiné, malgré son casque en cuir, la fourrure autour de son cou et son écharpe à damier, avait froid et il n’aimait pas ça.
Son corps massif et engourdi vibrait au rythme de sa machine, il sentait chaque tressaillement des moteurs dans ses os, chaque tiraillement de la carlingue dans sa peau, les infimes tensions des câbles dans ses mains, le métal qui grogne, grince, râle …
Le vol s’était jusqu’alors passé sans encombre… Le moteur n°2, à sa gauche s’était arrêté en grinçant peu après le départ et il avait perdu le Grot-mekano en l’envoyant sur l’aile avec une grosse clé pour taper dessus… C’est pas grav’, il en aurait pas besoin pour l’aller,de ce Grot stupide et comme y’aura pas d’retour…
Le moteur 4 avait pris feu deux fois, c’était courant, il suffisait à O-war de couper l’essence quelques temps et le moteur s’éteignait, aussi avait-il mit une petite ficelle qui courait sur l’aile pour pincer le tuyau depuis son cockpit.
Ah, et ce crétin de Grot-mitrailleur dans sa cocotte tournante avait failli couper l’aileron de queue en tirant dedans… Le dresseur lui donne trop de champignons hallucinogènes à celui-là, il « pête un câble » parfois et tire n’importe où, n’importe quand, en poussant sur la pédale pour faire tourner sa tourelle comme un fou.
Mais le reste du temps, c’était un bon mitrailleur et il avait dézingué pas mal d’appareils, aussi O’war aimait bien l’emmener à son bord.
‘Tu te traines, ma vieil’ ferraill’ disait O-war un sourire carnassier aux lèvres. ‘S’ta cause de la méga-booma kon t’a collé sul’ ventre…
« Mission suicide » qu’il avait dit le Big Boss, mmm, et alors ? K’avait dit O-war : « pour mourir’, pas de meilleur endroit que mon gronavion. »
« Biento’ l’Squig-bourdon va avoir soif, très soif…, y voudra pu’ voler » se dit O-war, « alors on tombera comme une grosse mer… Pof pof, le moteur 4 hoquetait.
Les réservoirs étaient presque vides, ENOLA GORK volait depuis plusieurs tours de compt’heure déjà, la peau du grand oiseau de cuivre et d’acier était couverte de givre.
Derrière O-war, Hug c’était réveillé, il recommençait à s’agiter, bientôt il beuglerait dans son micro. O-war n’aimait pas ça, ce Boy stupide qui criait continuellement, il avait coupé sa radio depuis longtemps. Il n’avait pas besoin de ce…squigboy prétentieux imposé par son boss : « Pour pas s’tromper, pour étt surs de livrer ell’ booma au bon endroit » comme si O-war était pas capab’ tout seul de trouver le spot:
"C’était pas dur, fallait aller vers le premier soleil levant, et la nuit, a quand y’a pas d’soleil, ‘faut aller juste tout droit entre les quatre hélices, deux de chaque coté, facile pour un pilote ! "
Le ciel s’éclaircit lentement, ENOLA GORK se couvre d’une fine peau d’argent, à l’extrémité de ses ailes, de longues trainées blanches s’étirent doucement. Une mer de nuages apparait loin dessous. Sous son ventre gonflé, pustule de métal atomique, LITTLE BOY semble dormir tel un gros bébé rondouillard et pesant.
« Y fait encore plus froid » se dit O-war, dessous lui, le Snot-largueur-de-bombe dort bien au chaud dans la verrière du nez, O-war le voit entre les pédales de son avion, « p’tits salauds d’Grots, z’ont pas froid, eux ». En se tordant dans son étroit poste de pilotage, O-war arrive à ouvrir sa braguette… avec un méchant sourire, il pisse un jet puissant sur le Snot et éclate de rire.
Celui-ci, réveillé en panique croit que c’est le signal : il saute sur le levier et tire dessus de toutes ses forces… Le levier bascule, Little Boy ne bouge pas.
Aveuglants, les premiers rayons du premier soleil sortent sur le coté de l’appareil, instantanément, le ciel devient clair et lumineux et tout se passe alors très vite...
Hug hurle dans son micro, il montre un point sur la gauche, O-war vire violement, ENOLA GORK pousse un cri grinçant et s’incline sur le coté, tout l’équipage Grot qui dormait de ci de là bascule dans la carlingue, des munitions s’éparpillent, quelques rivets sautent, de fins serpents d’air froid pénètrent le ventre chaud de la superforteresse.
Les moteurs hurlent, poussés soudain à plein régime. Les ailes de cuivre et la queue ondulent en touchant les nuages, le moteur quatre s’enflamme, le 2 dégage un épais panache de fumée noire et grasse.
Les hélices et les ailes disparaissent dans la brume blanche … tout semble un instant se suspendre… même le bruit...
Des micro goutelettes glacées tournent par milliers autour des Orks.
Une trouée dans les nuages...." NIPP’ ONE " crie Hug, l’immense continent de retraitements radio actif s’étend jusqu’à l’horizon et semble leur foncer dessus.
O-war redresse l’appareil, les Grots se heurtent en gagnants leurs postes de tir, le Snot-largueur-de-bombe s’écrase le nez sur la verrière, les précieuses cartes du co-pilote s’envolent tel des oiseaux soudain libres et fous.
Dans un vrombissement assourdissant, suivi par une grande trainée de fumée noire, ENOLA GORK descend du ciel, des dizaines de petits points apparaissent au dessus d’eux : des chasseurs ennemis se dit O-war.
En gagnant la tourelle de queue, le Grot-tireur glisse sur une roquette, ils roulent jusque dans le nez de l’avion, la roquette heurte violament le levier, Little Boy frémit, dans un petit Hic la Méga Booma se détache et semble plonger sereinement vers son destin en sifflant.
Soudain plus léger, le Squig-bourdon péte un coup et s’envole, ENOLA GORK, libérée de son lourd fardeau, bondit vers les nuages alors que deux de ses moteurs s’arrétent par manque de carburant.
« GORK et MORK nous regardent, on ne s’écrasera pas comme une merde » dit O-war en déclanchant l’alarme de bord : »tout l’monde à son poste de combat »
La sonnerie tonitruante rend les grots fous, ils bondissent sur leur mitrailleuse et déjà celui de la tourelle du dessus tire à tout-va.
O-war remet la radio pour entendre hurler une derniére fois Hug, ce trouillar de copilote, il se cale dans son vieux siège et pose ses pouces sur les gâchettes des grosses mitrailleuses de front.
Il fait chaud, se dit-il et avec un grand sourire carnassier tout en fonçant sur l’escadrille ennemie la plus proche. Derrière lui, une gigantesque explosion embrase le ciel et la terre.
Voir la construction d' ENOLA GORK
Maquette et fiche technique de l'appareil
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